Phonologie

 

  1. Survol phonologique

Les unités qui forment le système des sons d’une langue sont appelés phonèmes. L’orthographe du mooré tient compte de tous les phonèmes propres à la langue mooré.
Ainsi pour transcrire le mooré, on emploie un alphabet de 8 voyelles et de 16 consonnes.Tableau consonnes moorel

voyelles moore

1.1 Les consonnes

b, d, f, g, h, k, l, m, n, p, r, s, t, v, w, y, z

La plupart de ces consonnes se prononcent d’une manière qui ressemble à celle du français. Mais il y a des sons qui sont représentés différemment qu’en français et d’autres qui n’ont pas d’équivalent en français.

1.1.1 Consonnes représentées différemment qu’en français :

w prononcé comme ou dans les mots français « oui, ouest » etc.

wobgo « éléphant »
weefo « cheval »
Le symbole y est utilisé pour deux sons en mooré qui sont écrits de deux manières différentes en français. Il s’agit d’une distribution complémentaire, cela veut dire que, le même phonème se prononce différemment selon le contexte où il se trouve :

y se prononce comme le y français dans le mot « crayon » partout sauf avant une voyelle nasale (ex. ã), où il se prononce comme le son [ɲ] qui est transcrit en français par gn comme dans le mot « agneau » [aɲo].

Exemples : prononcé :

[y] yaab rãmba « grands-parents »

yeele « dire »

yɛla « problèmes »

[ɲ] yũ « boire »

yõore « nez »

yĩnga « corps »

1.1.2 Consonnes n’ayant pas d’équivalent français :
h En français, ce signe est écrit mais souvent le son n’est pas
prononcé, par exemple « homme » est prononcé [ɔm].
En mooré, par contre, ce signe représente un son qui est prononcé avec une forte expiration. Néanmoins, ce son est assez rare en mooré. Il existe surtout dans des exclamations et dans des emprunts. Dans une prononciation rapide à l’oral les sons s et f peuvent être prononcés [h] à l’intérieur d’un mot (par exemple sã n «si» peut être prononcé rapidement hã n « si »).
hakika « véritable »
hal « tellement, jusqu’à »
hato « dimanche »

1.1.3 Suite consonantique

Des consonnes peuvent se suivre à la frontière des syllabes surtout lorsqu’un suffixe suit la base du mot.

Exemples  de séquences deux consonnes :

ng pãnga « force » ; yĩnga « corps »

lg salge « glisser» ; kodge « égorger »

mb yãmba « vous » ; yamba « esclave »

lm solma « conte » ; yalma « idiot »

md wamde « calebasse » ; lemde « menton »

ll bolle « argile » ; gelle « œuf »

Il peut aussi avoir une séquence de trois ou quatre consonnes, par exemple : loabdga « lance-pierres », wagdre « voleur », belsdba « flatteurs »

1.1.4 Changements consonantiques

1.1.4.1 Geminaison des consonnes l et s

Il y a gemination des consonnes l et s résultant de la transformation de r en l où le suffixe -re devient -le après la consonne -l
Exemples:
gel + re  = gelle  « oeuf »
yel + re  = yelle  «problème »

Parfois une consonne du radical et la consonne du suffix peuvent être identiques.
Exemples:
pus + se =  pussi  « tamarinier »
pis + se  =  pissi   « vingt »

1.1.4.2 Transformation de r en d

Le suffixe -re devient -de après une consonne nasale. Par exemple: lem + re  = lemde  « menton »

1.1.4.3 Assourdissement d'occlusives sonores

Si deux occlusives sonores identiques, non nasales se rencontrent dans un mot, il  en résulte un remplacement de ces deux consonnes par la sourde correspondante.
Exemples:
bãg + go = bãko  « épaule »

1.1.4.4 Epenthèse de y

Le contact d'un radical de structure CV- et d'un suffixe -a entraine la formation d'une consonne épenthètique séparant la voyelle radicale de la voyelle suffixale.
Exemples:
sũ + a =  sũya « coeurs »
kã + a = kãya  « nuques »

1.2 Les voyelles

Le mooré comporte huit voyelles orales :

a e ɛ i ɩ o u ʋ

Toutes les voyelles peuvent avoir une forme longue ou redoublée, elles sont écrites avec deux voyelles identiques par exemple : aa, ee, ii, ɩɩ, oo, uu . . . etc.
Comparons :

taba « tabac » avec taaba « ensemble »
yi « sortir » avec yiise « faire sortir »
1.2.1 Voyelles représentées différemment qu’en français :
u est prononcé comme ou dans les mots français « trou, sous » etc.
Exemples :
kukuri « cochon »
buudu « famille, espèce »

Pour certaines voyelles on a choisi des signes nouveaux qui correspondent à l’Alphabet National.

ɛ est prononcé comme è ou ê dans les mots français « père, flèche, fenêtre » etc.
Exemples :
bɛnda « caleçon traditionnel »
gɛla « œufs »

Il y en a de très nombreuses combinaisons de voyelles (voir 1.2.7).

1.2.2 Voyelles n’ayant pas d’équivalent en français :

ʋ est prononcé entre ou et o (mais prononcé moins tendu).

Exemples :

kʋ « tuer »
bʋʋga « chèvre »
ɩ est prononcé entre é et i (mais prononcé moins tendu).

Exemples : bɩto « oseilles » ; kɩse « donner »

1.2.3 Voyelles nasales

Les cinq voyelles a, e, i, o, u peuvent aussi être nasalisées (lorsqu’on les prononce, le souffle ne s’échappe pas uniquement par la bouche, mais à la fois par la bouche et par le nez).

Comparez:

ko « cultiver » avec kõ  « donner »,  tu « creuser » avec tũ  « suivre », ou encore wa « venir » avec wã «casser».
Ces voyelles nasales sont écrites avec un tilde ˜ en utilisant les symboles :
ã ẽ ĩ õ ũ

Exemples : ãbga « panthère » ; bẽere « bouillie » ; sĩifu « abeille »
kõbre « os » ; gũsi « dormir »

Lorsque la voyelle nasale est longue ou redoublée, le tilde n’est marqué que sur la première des voyelles.
Exemples : wãamba « singe » ; kẽema « aîné » ;
kĩini « pintades » sũuri « cœur »

1.2.4 Voyelle d’appui

Entre deux consonnes, le mooré introduit une voyelle d’appui (ou voyelle épenthétique) pour éviter certaines séquences de consonnes. Dans un discours lent la voyelle d’appui est bien attestée. Cependant dans un discours rapide il est assez difficile de bien saisir la qualité exacte de cette voyelle d’appui.
1.2.5 Harmonie vocalique

L’harmonie vocalique n’opère qu’au niveau entre la voyelle du radical et du suffixe. Elle se limite aux voyelles fermées i, ĩ, u et ũ. Lorsque la racine du mot contient une de ces voyelles, les suffixes et les voyelles d’appui seront -i- ou -u- ou encore -a (et non pas -ɩ- ou -ʋ- ou -e). En fait, on pourrait aussi définir ce phénomène comme une propagation la qualité de la voyelle au début du mot sur les autres voyelles dans le reste du mot.
Exemples:

Voyelle          Suffixe              Mot                 Traduction

radicale                                 mooré

puu             -do / - du           puudu              « fleur »

zu               -go / -gu             zugu                « tête »

pi                -se / -si               pisi                  « vingt »

yĩn              -se / - si              yĩnsi                « corps »

1.2.7 Combinaisons de voyelles

A part le redoublement des voyelles, il existe plusieurs combinaisons de voyelles.

Exemples :

ao             bao                          « chercher »

oa             zoa                           « ami »

oea /oɛ      loeatga / loɛtga         « attache »

ae/ɛ           tae / tɛ                     « tirer »

ea/ɛ           geala / gɛla              « œufs »

eo             weo                         « masser »

oe             loe                           « attacher »

ae/ɛ           tae / tɛ                     « tirer »

ea/ɛ           geala / gɛla              « œufs »

eo             weo                         « masser »

oe             loe                           « attacher »

iu              kiuugu                     « lune / mois »

ui              mui                          « riz »

ɩʋ              kɩʋsgu                      « haine»

ʋɩ              pʋɩ                           « partager »

Evidemment il y a aussi un bon nombre de combinaisons avec les voyelles nasales et les voyelles longues.

1.2.8 Allongement vocalique

L'adjonction d'un suffixe de structure -CV ou -C à un radical de structure CV- ou CVV- provoque un allongement de la voyelle du radical.
Exemple:
no + re  = noore  « bouche »
yão + go + yãoogo  « poitrine »

Il y a aussi des exceptions à cette rège ex. nu + go = nugo  « main »

1.2.9 Epenthèse vocalique

La suffixation de -ga à un radical dont la voyelle est -o ou -õ provoque l'intercalation d'une voyelle «a» dans le radical.
Exemples:
nob + ga  = noabga « arbre (espèce) »
rõ + ga  +  rõaaga  « néré »

La suffixation de -go provoque également dans un radical dont la voyelle est a, ã, e, ou i, l'épenthèse  d'une voyelle o.
Exemples:
gãn + -go  = gãongo  « peau »
nen + go  = neongo  « viande »

1.3 Les tons des mots

Le mooré est une langue à tons : La hauteur musicale de la prononciation a une fonction distinctive. Cette hauteur est relative, c’est-à-dire qu’elle ne se définit pas en termes d’une gamme absolue, mais relativement aux tons voisins. Bien que le mooré utilise la hauteur de la voix pour différencier et opposer des mots, il n’est pas nécessaire de marquer le ton dans l’orthographe mooré.

Le mooré comporte un système de deux tons ponctuels selon des auteurs comme Balima (1997) et Kinda (2003), le ton moyen étant considéré comme neutre (Zongo p.34). D’autres auteurs disent que le mooré a trois tons, par exemple Canu (1976) :
• ton haut (H) représenté par l’accent aigu [á].
• ton descendant/bas (B) représenté par un accent grave [à]
Les tons peuvent se combiner entre eux et donner lieu à différentes combinaisons ou schèmes tonals. Par la suite nous mentionnons quelques caractéristiques des tons au niveau des mots en isolation.
Comme dit plus haut la hauteur musicale de la prononciation a une fonction distinctive sur le sens des mots. Exemples faisant ressortir la différence de mots en raison de leurs tons :

sɩ́dá « mari »
sɩ̀dá « vérité »

yãáogó « intestin »
yãáogò « poitrine »

sɩ́ɩgá « espèce d'arbre »
sɩ́ɩgà « âme »

sà   « finir »
sá   « se promener »

kì « mourir »
kí « mil »

Lorsque les mots sont combinés dans une phrase, ils se conditionnent et s’influencent mutuellement. Ainsi, par exemple dans des mots composés de type nom+adjectif le ton H en isolation peut changer lorsqu’il est combiné avec un adjectif.
Exemple :
báágá « chien » + wẽ́enga « dangereux, méchant» —> bà-wẽ́enga « chien dangereux »

 

                        2. Caractéristiques phonologiques

  • Structure syllabique :
  • CV, CVC, CVN, CVV sont très fréquentes,
  • épenthèses (insertion d’une voyelle d’appui) et apocope (perte d’une voyelle finale) sont fréquentes
  • les radicaux des verbes et des noms sont monosyllabiques ou dissyllabiques
  • Accent :
  • Accent d’intensité sur la pénultième syllabe
  • épenthèse (insertion d’une voyelle) n’est pas comptée comme syllabe
  • Tons :
  • Au niveau lexical : ton haut (H) et ton bas (B) ; !H est distinctif dans des noms composés et autres constructions
  • Un ton par syllabe
  • Down drift (descente automatique par paliers)
  • Ton grammatical : ton associatif, le ton d’un nom et verbes dépend entre autre de sa position/contexte dans la phrase
  • Voyelles :
  • i, ɩ, e, ɛ, a, o, ʋ, u
  • longueur est phonémique
  • l’orthographe écrit les 5 voyelles nasales ĩ, ẽ, ã, õ, ũ prononcés [ɩ̃, ɛ̃, ã, ɔ̃, ʋ̃]
  • harmonie vocalique restreinte à : i et u mais aussi beaucoup d’assimilation vocalique
  • insertion de voyelle d’appui : [ə]
  • Consonnes
  • occlusives : p, b, t, d, g, k
  • fricatives : f, v, s, z
  • nasales : m, n
  • latérales : l
  • semi-consonnes : y, w
  • Allophones
  • /d/ : [d], [r] ; /s/ [s],[h] ; /g/ [g], [ɣ] ; y [y], [ɲ]
  • divers procès d’assimilation progressive et régressive des consonnes